Faits :
Monsieur S., titulaire des nationalités polonaise et américaine, réside légalement en Belgique. Il n’a jamais travaillé en Belgique, mais a travaillé de nombreuses années aux États-Unis, où il perçoit depuis 2017 une pension. En 2021, il sollicite son inscription à l’assurance-maladie auprès de la CAAMI, mais sa demande est refusée.
Discussion :
La CAAMI, se basant sur une décision de l’INAMI, fonde ce refus sur le fait que Monsieur S. bénéficie d’un droit à l’assurance-maladie fédérale américaine (Medicare USA), considérée comme un régime étranger d’assurance soins de santé au sens de l’article 32, 1er alinéa, 15° de la loi du 14 juillet 1994, et donc comme un critère d’exclusion pour l’inscription en tant que résident.
Art. 32. Sont bénéficiaires du droit aux prestations de santé telles qu’elles sont définies au chapitre III du titre III de la présente loi coordonnée et dans les conditions prévues par celle-ci :
(…)
15° (les personnes inscrites) au Registre national des personnes physiques.
Sont cependant exclues :
- les personnes qui sont ou peuvent être bénéficiaires du droit aux soins de santé en vertu d’un autre régime belge ou étranger d’assurance soins de santé ;
- les étrangers qui ne sont pas de plein droit autorisés à séjourner plus de 3 mois dans le royaume ou qui ne sont pas autorisés à s’établir ou à séjourner plus de six mois.
Le Roi peut, par arrête royal délibéré en Conseil des Ministres, déclarer l’exclusion susvisée, pour certaines catégories et éventuellement pour une période déterminée, non applicable ou l’étendre. [9Il détermine également ce que l’on entend par "sont ou peuvent être bénéficiaires du droit aux soins de santé en vertu d’un autre régime belge ou étranger ;]9
(9) < L 2022-05-18/08, art. 83, 302 ; En vigueur : 09-06-2022 >
Que cette assurance-maladie ne rembourse pas les prestations en Belgique n’a, selon l’INAMI, aucune importance.
La Cour, en revanche, estime que l’article doit être interprété conformément à l’intention du législateur.
- Il ressortirait clairement du rapport au Roi repris dans l’A.R. du 3 juillet 1996 que l’intention du législateur était de rendre l’assurance-maladie accessible à toute personne résidant de manière stable en Belgique, tout en excluant le tourisme médical.
- En outre, le législateur était également conscient que vérifier un droit potentiel à des soins médicaux à l’étranger était complexe, voire impossible. En 2022, avec la loi du 18 mai 2022, une réforme est venue préciser que le Roi déterminerait ce qui devait être entendu par « un autre régime étranger », en limitant la prise en compte aux règlements européens et aux conventions bilatérales conclues par la Belgique. L’Arrêté Royal d’exécution prévu à cet effet n’a pas encore été publié, mais existerait déjà sous forme de projet.
Conclusion :
C’est à la lumière de ces intentions que la loi et ses exclusions doivent être interprétées. Une personne ne peut être exclue du statut de résident ayant droit que si un autre pays est désigné comme pays compétent pour les soins médicaux en vertu d’un accord international sur la sécurité sociale.
Il était donc légitime que la Cour du travail vérifie, dans le cas de Monsieur S., si un autre pays que la Belgique avait été désigné comme État compétent pour les soins médicaux en vertu d’une convention internationale. Aucun autre pays n’ayant été désigné, Monsieur S. devait être inscrit comme titulaire résident en Belgique.
> Arrêt du Tribunal du travail de Bruxelles du 3 avril 2025 (NL) (diffusé par Terra Laboris dans son ’bulletin’ du 30 septembre 2025. Merci à eux !)


